mercredi 3 février 2016

Les détails qui font la différence pour un costume XVIIIe



…autrement dit les do/don’t ou comment essayer d’améliorer ces petits détails qui font toute la différence et que l’on voit malheureusement trop souvent sous-estimés.

…autrement, un peu de rouspétage! (j’me défoule comme je peux, je ne peux pas coudre en ce moment !) Je vais avoir l'air d'une chi..., mais c'est c'est pour votre bien! Non, sans rire, combien de fois je fais ma Jean-Pierre Bacrette devant un costumé qui a fait de gros efforts mais qui tombe à côté de la plaque à côté d'un ou deux détails qui paraissent minimes mais qui gâchent tout!

C'est partie pour une revue de choses à éviter!


 1. Les vêtements : 
  •  Pas de sous-vêtement structurant : 
Il y a deux types de sous-vêtement structurant au XVIIIe : celui qui va modeler le torse et celui qui va modeler les hanches/fesses. 

Le corps à baleines, puis corset sont INCONTOURNABLES. 
Sinon comment espérer avoir le torse en cône inversé (V : pointe en bas) alors que l’on a deux (plus ou moins petits) monticules de chair appelés seins? Il fait les aplanir pour obtenir un effet de cône. Normalement, on ne voit pas du tout la forme des seins sous la robe.
Evitez également le corps/corset trop court. Je prépare un sujet là-dessus mais comme je n’ai pas accès à mes costumes, ça attendra un peu.

Lauren et son nouveau corps baleiné 1780, absolument parfait.© Lauren at Wearing History 
Lauren dans son nouveau corps baleiné avec une posture parfaite : épaules en arrière, torse et poitrine en avant, bien dégagés. Et pourtant, la poitrine est au large, juste soutenue, elle ne « déborde » pas. Exactement ce que l’on voit sur les portraits d’époque.

1739, Antoine Pesne, Elisabeth reine de Prusse; Maurice Quentin de la Tour, Portrait de femme, années 1750; entourage de Johann Ernst Heinsius, Portrait de femme, années 1780: toute cage thoracique dehors!


 Ensuite on trouve toute une panoplie de sous-vêtement structurant toute la partie base du corps et de forme mouvante durant le siècle : criarde, paniers de diverses formes, cul, etc. Par pitié, évitez la jupe toute plate qui colle aux pattes, ayez au moins deux jupons. 

Attention: Pas de crinoline au XVIIIe siècle. Merci. De façon générale, au XVIIIe, l'ampleur vient de la région des hanches, pas des chevilles ou des mollets.La crinoline fait une forme de dôme, ronde, le panier est plat devant et derrière. Donc, même si le vendeur/loueur vous dit "si si, ça se portait", saucissonnez-le avec ladite crinoline. La forme des paniers a certes évolué au fil du siècle, mais ils n'ont jamais porté de crino de mariage.

A gauche, une crinoline du XIXe siècle, tour en rondeur, à droite des paniers milieu XVIIIe siècle, tout en angulosité.

Vous pouvez facilement donner du volume en vous achetant un tissu matelassé donc vous faites une "mini jupe" ouverte sur le devant et qui vous donnera du volume (image). Résultat garanti à moindre frais ; Et si vous avez le temps/patience, vous pouvez le faire vous-même, ça sera histo-garanti ! 

Pour plus d'infos, je vous conseille la page de Kendra (en anglais): les supports de jupe XVIIIe.
  •  Pas de chemise : 
Berk berk berk ! Personnellement, je ne lave pas mes costumes…. 

Ben oui, je porte des chemises, que elles, je lave systématique à 60°C après chaque port ! 1. Ca va économiser vos costumes. 2. Ca vous protège des frottements. 3. C’est total histo. 


  •  Les couleurs criardes et mal assorties. Les motifs mal choisis. Les bijoux modernes/pas adaptés. 
Là, ça devient plus compliqué. Si vous avez un doute et que vous n’êtes pas sur de votre choix, passez votre chemin ou demandez à quelqu’un qui s’y connait. C’est un terrain très glissant et qui peut s’avérer très difficile. Le mieux est de se référer soit à des portrait d’époque, soit à des vêtements conservés d’époque (attention aux costumes de films, à ne pas prendre pour argent comptant). 

L'organza synthétique, le satin trop léger et brillant et la panne de velours... le trio perdant! Sauf si vous voulez refaire votre intérieur façon Barbara Cartland!

Evitez absolument la panne de velours, l'organza synthétique  et le satin qui brille cheap et qu'on voit partout. Si vous voulez vraiment du satin, optez pour un satin bien épais et lourd (dit duchesse), pas trop brillant. En résumé, optez pour le taffetas uni: faux pas rarissime!
Ah, et dans les magasins, les vendeurs ne font pas la différence en armure (tissage: satin, taffetas ou toile, sergé)) et fibre (soie, coton, divers synthétiques ou artificiels). Il faudrait que je revienne là dessus un jour...

Pas de motifs "toile de jouy" tels que l'on les entend aujourd'hui (les angelots-scènes champêtres), pas de fleurs de lys (réservées au manteau royal du couronnement), pas de "motifs baroques" à la V. Damidot (qui ne sait d'ailleurs certainement pas ce qu'était le Baroque), pas de tissu d'ameublement de façon générale. Je pense que je vais rédiger un article entièrement consacré à ce sujet.

Non, nope, no, niet, nein, nee, nie, ne!

  •  Les femmes tête nue 
Sujet vieux comme le monde ou presque. Ce n’est que depuis les années 1960 (je pourrais même dire 1970) que les femmes sortent tête nue dans la rue. A fortiori, si vous êtes une femme du peuple. Enfin, si vous êtes vraiment une aristo, vous ne sortez pas beaucoup, à part éventuellement pour une partie de chasse, mais vous porterez un tricorne ou un feutre. 
Au passage, les tricornes chez les dames ne se portent qu’à la chasse (ou avec une tenue de chasse) et à Venise (avec la bauta). Dans la ville de Venise. N’allez pas me dire « oui, mais je suis Vénitienne en fait. » Ben non, on est pas à Venise. 
Revenons aux classes les plus aisées, voire noble. En fait, malgré tout, il y a toujours quelque chose sur la tête des femmes : un micro bonnet en dentelle, des plumes et décorations pour sortir.
 La femme n’a jamais la chevelure totalement "nue"


2. Le maquillage 

Vous connaissez ma marotte pour les fards d’époque. J’ai déjà expliqué comment se faire un maquillage totalement histo compatible avec des produits modernes. 

  • Pas d’eye liner. 
Le style Cléopâtre- Sophia Loren, NO WAY ! Je ne parle même pas des fards à paupière ! A bannir, n’y pensez même pas ! En fait, pas de maquillage du tout sur l’œil en lui-même (bon, on tolère un tout petit coup de crayon très léger et flouté si vous avez les cils tous palots). Normalement, seuls les sourcils sont fardés, en arc de cercle. 

Elizabeth Taylor dans Cléopâtre (1963) et Sophia Loren dans Le Cid (1961): pas du tout XVIIIe!
Le regard XVIIIe: seuls les sourcils sont surlignés, en arcs de cercle (att. à Pierre Allais, Portrait de femme).

  •  La bouche ourlée : nononononon. La rouge est posé flouté, dans les tons rouges et roses foncés. Pas de prune, orange vif, fuchsia et encore moins de nacre. Un article ici sur les rouges. 


  •  Le vernis à ongle : niet ! 
  •  Le teint blafard hyper poudré, genre je viens de poncer chez moi. Nope. Idée fausse. 
Le teint à l’époque est blanchi à l’aide de pommades (qui soit vous font un effet blancheur sur le long terme, sorte d’anti crème bronzante; soit qui ajoutent un effet blanc, véritable maquillage). Or, la pommade à l’époque, c’est juste du gras. Donc ça brille. Vous n’êtes pas obligés de briller comme une motte de beurre mais ne cherchez pas l’effet poudré, il sera ailleurs (pas de mauvais esprit, j’y viens plus bas). 

  •  Le rouge aux joues avec du bronzeur/terra cotta. Fausse bonne idée ! 
Le rouge à joue est le même que celui des lèvres, donc rouge ou rose foncé. Pour un bien, utiliser le rouge à lèvres que vous avez utilisé pour vos lèvres. Appliquez du bout du doigt sur les lèvres et les joues.


3.  Les cheveux 

Vaste sujet ! Liés aux cosmétiques, j’ai également rédigé des articles. 

  • La coiffure pas adaptée à la période. 
Non, le costume Louis XV n’a pas forcément une coiffure haute pour les femmes. Même dans les années 1760, la tapé des femmes reste assez bas. Pour avoir des repères, consultez des sites. 


  • Les cheveux qui pendent pas coiffés. 
Messieurs, au moins deux rouleaux sur les côtés et un ruban pour faire une queue derrière. Mesdames, au moins quelques épingles et rubans. Avec un peu de chance doigté, vous aurez l’air d’une jolie allégorie de Boucher ou Fragonard. 
François Boucher, L'Allégorie de la musique, 1764.

  • La perruque/coiffure haute en cône ^ : j’ai beau avoir vu des dizaines de milliers d’images, à part dans les caricatures, je ne connais pas… 
Euh? Euh... Euh!

  • La perruque blanche 
A l’époque, certes, certaines perruques paraissaient blanches. Je n’ai pas encore fait de recherches exhaustives, mais il me semble qu’elles étaient réservées à la noblesse de robe et autres fonctions judiciaires (avocats, juges, etc…). Soit dit en passant, elles étaient faites en crin, donc tirant plus sur le jaune filasse. Bref, si vous voulez absolument une perruque claire, choisissez en au moins une platine. 

  •  La perruque/chevelure brillante : 
J’en arrive à mon effet poudré. Pas de cheveux brillants. Ca, c’est un truc du XIXe siècle. Les cheveux au XVIIIe sont mats, même s’ils ont été fortement brossés pour être dépoudrés.

Ouh, ça brille, ouh, c'est du gras! Années 1840 à gauche, Dennis A. Waters Fine Daguerreotypes, années 1860 à droite.

Pourquoi ? Tout simplement parce que cela tient à la façon dont on les entretient et les coiffe. C’est l’âge d’or du shampoing à sec (sans blague !). La pommade (à base de cire et graisse) et la poudre (à base de divers amidons, poudres d’os, colorées, parfumées) rendent les cheveux à la fois doux, aériens, légers et très facile à coiffer. Et ça marche aussi sur les perruques.L’essayer, c’est l’adopter. 
Et si vous n’aimez pas le côté blanchi, il existait des poudres colorées (blondes, châtain, brunes, noires, grises et même bleues et roses !).


Si j’étais pointilleuse, j’irais mêmes jusqu’à dire que l’effet collé-plâtré que l’on voit parfois n’est pas correct non plus. Je vous renvoie au test grandeur nature essayé à Champs sur Marne l’été dernier.

Oups, ça colle, ça plâtre... Loupé! Photo de l'artiste Erwin Olaf pour l'exposition Catwalk au Rijksmuseum.

  • Les dragonnes mal placées. 
Non, ce ne sont pas des mèches qui pendouillent devant, sur le front. Les dragonnes sont en fait des rouleaux défaits qui tombent négligemment de derrière les oreilles. Pas de frange sur le front non plus, s'il vous plait.

Des dragonnes, début années 1780, années 1740 et années 1760 à droite.


3. Les accessoires
  • Pas de montre bracelet!
Les montres sont à chaîne (on en trouve maintenant des pas chères), portés par ces messieurs à la culotte et ses dames à la fin du siècle avec des châtelaines.

  • Les ombrelles en dentelle: ça n'existaient pas au XVIIIe. Mieux vaut prendre une ombrelle asiatique (même si au bout du compte, tout le mode en a!) ou un parapluie forme pagode (on en trouve sur internet). De toute façon, vous ne trouverez que très difficilement.
Fragonard, La lettre d'amour, Le concours de musique.


  • Les lunettes:
Attention sujet sensible. Il est difficile d'interdire les lunettes aux personnes qui en ont vraiment besoin (très mauvais vue, risque de migraine ophtalmique, etc.). Mon conseil: si vous êtes vraiment passionné de sortie/événement costumé, optez pour des montures discrètes ou qui peuvent faire la blague. Ou alors, achetez carrément des montures anciennes (ça se trouve aux puces et sur les brocantes) et faites faire des verres si vous avez les moyens. Sinon, ôtez vos lunettes le temps des shootings photos (il y a toujours des moment dans la journée où ça "mitraille" plus) ou au moment où vous faites votre prestation en public.

  • Les lunettes de soleil. 

Les lunettes teintées existaient au XVIIIe siècle (1752 pour être exacte par le britannique James Ayscough), mais elles étaient censées corriger la défauts de la vue (myopie, etc.). Donc techniquement possible mais plutôt rondes et peu teintées (vertes ou bleues). Donc pas hyper utiles, sauf si vous avez de gros problèmes aux yeux.

Voilà, je pense avoir déjà évoqué pas mal de choses, qui vous aideront à grandement améliorer vos tenues pour débuter.

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