vendredi 24 avril 2020

La Mode Illustrée: cours de coupe, la blouse (1905): la doublure (1/3)

La blouse simple proposée par La Mode Illustrée 1905

De l'assemblage

Nous avons expliqué dans un précédent article la manière de disposer les patrons sur la doublure, et les réserves à faire en les taillant, nous allons traiter aujourd'hui de l'assemblage, mais avant d'y procéder, nous conseillons d'abord à nos lectrices de passer un fil de bâti, non seulement sur la ligne de taille marquée d'un cran sur le patron de chacune des pièces, mais encore sur tous les contours indiqués déjà par le tracé de la roulette à patron. Ce travail préparatoire, un peu long peut-être, facilitera beaucoup celui de l'assemblage.
En principe, les coutures de la doublure doivent être faites à l'envers du corsage, c'est à dire qu'il faut les coudre du côté de l'endroit de l'étoffe [c'est à dire que l'endroit de la doublure est contre le tissu extérieur, les coutures côté peau]. Ces coutures, plus tard, seront ouvertes et bordées. Pourtant, lorsqu'on emploie une doublure à envers noir ou bleu, si l'étoffe du dessus n'est pas transparente, on peut faire toutes ces coutures du côté foncé, qui doit toucher l'étoffe du dessus, à l'exception de celles des épaules m, n et de celles des dessous de bras g, h. Cette façon d'agir supprime l'inconvénient des coutures ouvertes extérieurement qui mettent en contact l'envers foncé de la doublure avec le cache-corset; de plus, on est dispensé de les border, ce qui simplifie le travail et diminue l'épaisseur. [à la place de border, certaines pièces d'époque montrent une sorte de crantage comme nos ciseaux cranteurs mais arrondi avec un surfilage main]


Les différentes pièces du corsage sont assemblées suivant les lettres correspondantes indiquées sur chacune d'entre elles sr la Figure I. Avant de les bâtir d'une à l'autre, il est bon de les réunir par des épingles en faisant concorder d'abord les lignes de taille, puis en suivant exactement les contours marqués d'un fil.
Certaines pièces doivent être soutenues sur celles qui y correspondent, mais jamais de plus d'un demi centimètre. Les parties à soutenir sont indiquées en gris sur le croquis figure I; ce seul point négligé suffirait à rendre imparfaite l'éxécution de ce corsage.
Réunissez la pièce 2 à la pièce 3 le long des lignes c,d, en soutenant, comme l'indique l'ombre marquée sur la figure à la hauteur de l'omoplate, la pièce 2 du dos sur le petit côté 3 du dos.  Pour vous aider, bâtissez du côté du dos, sur le doigt, à points assez rapprochés pour que la couture ne s'écarte pas à l'essayage. Réunissez ensuite e, f, de la pièce 3 à e, f de la pièce 4 en bâtissant cette fois bien à plat et en suivant exactement les lignes de contour, marquée d'un fil.

Passant au devant, les pinces n'étant pas coupées, on rapproche les deux lignes j et j de la première pince à partir de i, et on bâti du côté du dessous de bras, qui est la partie à soutenir; on fait de même pour l, l, à partir de k. Pour réunir alors cette pièce 1 du devant à 4 du petit côté du dessous de bras, on commence par les joindre l'une à l'autre en h par une épingle, puis on bâtit en soutenant le devant depuis ce point h jusqu'en g.
En bâtissant (du côté du dos) la couture d'épaule, on soutiendra de même m, n  de la pièce du dos sur m, n de celle du devant.
La première moitié de la doublure du corsage est alors assemblée [youpi!]. On assemble la seconde selon les mêmes principes; puis on réunit les deux parties par les lignes a, b du milieu du dos qu'on bâtit aussi à plat que possible.


Nous avons dit, dans notre précédent article, que pour certaines tailles correspondant aux mannequins 46 et 48, il est quelquefois indispensable, même pour les blouses, de couper les devants en deux pièces [avec des lés de largeur de 114 à 150 cm, il y a peu de chance que ça vous arrive]  comme on le voit sur la figure II. Ces devants, très biaisés au-dessous de bras, ce trouvent donc n'avoir qu'une seule pince, mais remontant jusqu'à l'épaule.
Les ligne i, i' du patron 1 bis suit en ce cas, en long, le droit fil de l'étoffe, de même que la ligne o, p de la pièce 1ter. Les lignes i, i'  des deux pièces sont assemblées bien à plat; mais à partir de i' jusqu'à j, on soutient légèrement le côté 1bis sur la partie correspondante de 1ter. Si la personne est très forte, il peut même être utile de former au point i' de la pièce 1 bis deux petites pinces profondes d'à peine un demi centimètre.
Pour réunir cette pièce ainsi préparée au dos, se reporter à ce à ce que nous avons dit plus haut pour le devant ordinaire. 



Passons à présent à la manche en doublure. Il est bien entendu que nous travaillons sur des patrons taillés d'après des mesures exactes.
Étendez le dessus de manche 5 bien à plat sur une table, posez dessus le dessous de manche 6 et épinglez l'un à l'autre en suivant exactement les lignes s, t . Réunissez de même par une épingle q du dessus de manche à q du dessous, et laissant toujours la manche sur la table, continuer à épingler la couture à partir de ce point jusqu'à la partie ombrée, c'est-à-dire à 2 cm environ au-dessus du coude. Rapprochez de même r et r du bas des deux pièces de la manche, et épinglez jusqu'à 2 cm au-dessous du coude. Passez un fil de fronce dans l'ampleur restant au coude, puis mettez-y une épingle qui retienne les fronces au dessous de manche. Si vous avez bien suivi nos indications, vos étoffes doivent se trouver absolument à plat l'une sur l'autre, sans tirailler ni dans un sens ni dans l'autre.
Pour bâtir, cousez du coté du dessus de la manche. Après avoir bâti la couture de la saignée, hochez [entaillez]-la en deux ou trois endroits, puis retourner la manche qui doit tomber droit sans aucun pli lorsqu'on la soulève devant soi; s'il se forme quelques plis, c'est que vous l'avez mal assemblée. Il vous faut donc débâtir la couture à la hauteur où se produit le défaut, étendre de nouveau la manche sur la table, puis rapprocher les deux pièces en laissant l'étoffe se poser librement.

L'essayage

La doublure étant bâtie, il faut l'ajuster. Nous n'essayerons qu'un seul côté et nous ne conseillons par de faire cet essayage à l'envers, car il arrive très souvent que des personnes, même très bien faites, n'ont pas les deux côtés exactement semblables: la partie essayée du corsage se trouverait donc, une fois retournée, ne plus correspondre au côté auquel elle est destinée.
Pour essayer un corsage, on commence après l'avoir mis, par maintenir la couture du milieu du dos a, b, rigoureusement à la sa place, où on la fixe par une épingle à la ceinture piquée à la hauteur de la ligne de taille. On ferme ensuite le corsage par devant à l'aide dépingles très rapprochées, en commençant par l'encolure et en suivant des deux côtés les lignes o, p (fig.I).

Attention sur la figure B, la pince verticale vers le centre du corsage s'appelle en fait k-l.


 Vérifiez ensuite si les lignes de tailles de ces deux côtés sont bien en face l'une de l'autre. Placez le haut des pinces i et k au plus fort de la poitrine.

Devant: 

Si le corsage est trop large de poitrine et de taille, reprenez avec des épingles la pièce du devant, le long de la couture du dessous de bras g, h; reprenez de même un peu sur chaque pince i, j, k et l; mais l'extérieur seulement, de manière à ne pas réduire l’espace compris entre ces deux pinces (Voir B de la figure I).
Si le corsage vous semble trop étroit, rectifiez les mêmes coutures mais en sens inverse (A de la figure I).
Il suffit souvent en ce cas de lâcher la couture du dessous de bras (sur la pièce du devant seulement) et c'est pourquoi nous avons gardé plus d'étoffe à cet endroit. Coupez alors votre fil de bâti et épinglez à nouveau le devant exactement sur la ligne g, h du petit côté du dessous de bras qu'il ne faut pas déplacer (A de la figure I).
S'il se forme des plis à l'encolure du devant vers l'épaule, il faut débâtir la couture de l'épaule, et tendre davantage le devant, mais en vaillant toujours à ce que le droit fil de l'étoffe tombe verticalement au milieu de la poitrine.

Dos:

S'il est trop large à la hauteur de l'omoplate, soutenez un peu plus à  cet endroit la pièce 2 sur pla pièce 3, et au besoin reprenez la couture en mourant à partir de l'emmanchure (A de la fig. I de e en f).
Si le dos est trop long, il faut débâtir le bas de la basque pour lui donner plus d'ampleur. On remonte alors la ligne de taille, mais elle doit toujours rester en droit-fil [de trame], (A de la fig. I de c en d).
Si le dos est , au contraire, trop court, on reprend à la taille un peu sur chaque couture, et la ligne de taille se trouve alors redescendue.

Il ne faut jamais reprendre la couture du milieu du dos. Il est préférable, si le corsage est trop large dans le dos, de reprendre un peu sur les deux nervures, mais il faut veiller toujours à ce que le petit côté du dessous de bras N°4 demeure bien sous le bras. Il est bon même de le fixer à sa place au moment de l'essayage, par une épingle, pour ne pas être tentée de le déplacer.
Observer aussi que, pour la bonne allure du corsage, la couture de l'épaule doit se trouver à 3 cm environ en arrière de la ligne du dessus du milieu de l'épaule (A de la fig. I de q en r). C'est sur cette couture d'épaule que l'on reprend: soit le devant si le haut des pinces i et k tombe au-dessous du plus fort de la poitrine; soit le devant et le dos, si le corsage est trop long de taille de partout.
Vérifiez si, pendant l'essayage, la couture du milieu du dos et la fermeture ne se sont pas déplacées, sans quoi il vous faudra desserrer légèrement les épingles qui marquent les rectifications, afin que le corsage reprenne sa place. Indiquez avec des épingles la ligne de l'encolure et des emmanchures. Faites quelques crans à l'étoffe pour que le cou et le bras aient toute la liberté voulue (A et B de la fig. I), mais craignez de couper trop profondément: il sera temps de la accentuer davantage au deuxième essayage.
Il arrive parfois qu'après avoir cranté les entournures il faille reprendre le bas de la couture de l'épaule.
Marquer avec les épingles la longueur que vous voulez donner à la basque.

Pour l’essayage du devant en deux pièces avec couture de pince se prolongeant l'épaule [sic!], suivre les indications données plus haut au sujet du devant en une seule pièce, à l'exception de ce qui suit:
Si ce devant est trop large de partout, reprendre régulièrement les deux côtés de la couture de pince dans toute la longueur.
S'il est trop large seulement à la taille, reprendre la couture à cet endroit en mourant jusqu'au plus fort de la poitrine, mais des deux côtés à la fois toujours, contrairement à ce qu'on a fait pour les devant en une seule pièce;

Manches

Si l'on a bien suivi nos conseils pour l'assemblage, les rectifications à faire doivent être presque nulles. Les fronces du coude doivent emboîter exactement la pointe du coude. Epinglez donc les deux coutures de manche au corsage, de façon que le droit fil du dessus tombe verticalement à la suite de la ligne du milieu de l'épaule, pour juger si ces fronces sont à la bonne place (fig. II).


Si la manche visse sur l'avant-bras, c'est que les fronces sont trop au-dessus ou au-dessous du coude. Débâtissez donc la couture à cet endroit, et laissez le dessus de manche se placer naturellement à cet endroit.
Si la manche est trop large de partout, reprenez-la également sur chaque couture.
Si elle serre au plus fort de l'avant-bras, lâchez, à l'endroit trop juste, le dessus de manche, dont le contour alors se trouvera légèrement arrondi à cette place, l'étoffe demeurant bien à plat sur le poignet. Marquez la longueur de la manche, en tenant le bras replié avec des épingles.

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Nous n'avons essayé qu'un côté du corsage; voici maintenant la manière de reporter les corrections de l'autre côté.
Après avoir ôté le corsage avec beaucoup de soin pour ne pas faire tomber les épingles, passez un fil de bâti, d'une autre couleur que celui qui marque les contours, sur la ligne (c, d, e de la figure I) indiquée par les épingles sans prendre l'autre côté de la couture.

Un faufilage semblable indiquera la ligne de l'encolure, celle des entournures et du bas de la basque, de même que de la nouvelle ligne de taille du dos si nous avons eu à la déplacer. Passer aussi des fils de repérage sur les pièces rectifiées: si vous avez descendu ou remonté le devant sur le dos, par exemple, ces fils, placés sur les deux pièces bien ne face les uns des autres, vous serviront de points de repère pour retrouver la place que ces deux pièces doivent occuper par rapport l'une à l'autre, (a et b de la figure), quand vous allez bâtir définitivement votre doublure.
Débâtissez toutes les coutures qui ont donné lieu à une correction; placez les pièces rectifiées sur celles de l'autre côté qui y correspondent, endroit contre endroit, et indiquez avec des épingles proches les unes des des autres toutes les corrections. Un bâti de couleur passé sur les secondes pièces en regard de celui des premières, marque les nouvelles lignes de contour. On peut aussi, sur la doublure, remplacer les épingles par un piquetage à la roulette à patron, en appuyant assez fortement pour que les dents de la molette traversent le double de l'étoffe; mais il faut auparavant avoir fixé ces deux étoffes ensemble bien à plat par des épingles ou un bâti.
Ne pas oublier non plus de marquer sur ce second côté les nouvelles lignes de l'encolure, de l'entournure et du tour de basque, ainsi que les points de repère dont nous avons parlé plus haut.
Toutes vos corrections soigneusement indiquées, rebâtissez définitivement votre doublure à points assez rapprochés, puis crantez vos coutures à la ligne de taille et à 2 cm au-dessus, ne coupant que jusqu’à un demi cm de la couture pour que l'étoffe ne s'effile pas. Nous conseillons alors d'essayer à nouveau le corsage avant de la coudre pour juger s'il va à votre gré. Il est bien entendu qu'on le met dans le sens qu'il aura sous l'étoffe, c'est-à-dire l'envers de la doublure en dessus.
Nous ferons observer que le corsage ainsi bâti doit paraître un peu large au second essayage, parce que les points étant espacés, les coutures tendent à s'écarter, tandis que les coutures faites en rapprochant exactement les deux étoffes rétrécissent forcément le corsage. Ce qui serait insignifiant sur une seule couture prend une certaine importance répété une dizaine de fois, et il arrive très bien qu'on ait à constater une différence de 1 ou 2 cm sur l'ensemble de la largeur,les coutures une fois faites.
Donc si le corsage serre légèrement à l'essayage et que les coutures en s'ouvrant laissent voir les points de bâti, il faut coudre au-dessus du bâti, c'est-à-dire du côté du bord de l'étoffe. S'il paraît au contraire un peu large, on coud au-dessous.
On ne coud définitivement à ce moment que les coutures du dos et des pinces; celles du dessous de bras et de l'épaule seront terminées avec le dessus du corsage. D'ailleurs, si une fois cousue votre doublure vous paraissait trop juste, il vous suffirait de lâcher un peu ces dernières coutures.

Repassage des coutures

 Puis il faut débâtir encore une dois ces coutures pour ouvrir commodément les premières au fer. Ne faites agir pour ce travail que la pointe du fer, et veillez à ne pas tirer sur les parties biaisées en repassant.
Le repassage de la manche surtout exige une grande attention; la pointe du fer ne doit toucher exclusivement que le milieu de la couture ouverte, et ne repasser en aucune façon la pliure du dessus de la manche.
Nous vous conseillons de vous servir pour cet usage du même petit ustensile que les couturière emploient, et que l'on nomme un sisfran.  C'est un morceau de bois poli de 10cm de large sur 60cm environ de long, plat d'un côté, légèrement bombé de l'autre (fig. II).

Le sistran pour repasser les coutures.
Il y en est aussi qui représentent assez bien une petite planchette à repasser montée sur pied (fig. III) [chez moi, on appelle ça une jeannette] On les garnit l'un ou l'autre d'un molleton épais, comme les planches à repasser ordinaires. On enfile dessus d'abord un côté de la manche, puis l'autre, et l'on obtient de cette façon un repassage régulier, en évitant sans peine les pliures repassées.

La "jeannette".
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Si les coutures ont été faites à l'envers du corsage, il faut, soit les surfiler avec une soie de couleur tranchante, en rapprochant les points, mais évitant de serre son fil; soit border chaque couture d'un extra-fort, en ayant soin de tenir le ruban un peu lâche, et de le faire bien rentrer au creux des parties crantées après avoir arrondi celles-ci. On comprendra facilement que si l'on tirait trop sur l'extra-fort, le bord rétréci des coutures ne suivrait plus les courbes du corsage.
Pour les chemisettes et les corsages très étoffés on peut, nous l'avons dit, faire les coutures de la couture en-dessus. Il est inutile en ce cas de la surfiler ou de les border, puisqu'elles se trouvent dissimulées sous l'étoffe du corsage.



La prochaine fois: poser les agrafes à la doublure du corsage.


Source: La Mode Illustrée, gallica.bnf.fr / BnF

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